Interdit aux blaireaux!

Par Guy Bertrand

Grande découverte!

L’irréductible Gaulois existe vraiment! On le trouve en Occitanie, dans le département du Tarn, sur la commune de Vieux. Et, en fait, il n’est pas seul. Ils sont deux et détiennent les secrets de plusieurs potions magiques.

Notre premier Gaulois, Patrice Lescarret, est né à Bordeaux. Mais laissons-le plutôt raconter son parcours via le site web de son vignoble dont la prose indique qu’on n’a pas affaire à n’importe qui…

« Le Lescarret ne but que du Bordeaux jusqu’à l’âge de 16 ans. Ça n’aide pas. Et quand on sait que peu après, il passa par l’Institut d’œnologie de Bordeaux, on comprendra les préjugés et le manque d’objectivité du garçon. Heureusement, un accident salvateur le frappa d’amnésie. D’abord salarié comme brandouilleur de burette à Sancerre et ensuite régisseur en Provence, il fit naïvement ses classes avant de se jeter à l’eau inconsciemment en 1993 à Gaillac. »

Bien écrit, hein? Mais c’est peut-être sorti de la plume de sa conjointe, Virginie Maignien, une artiste dans l’âme qui est de passage au Québec, cette semaine. À l’initiative de son agent québécois RéZin, un groupe de scribouilleurs dont je fais partie a été invité à la rencontrer… et à goûter quelques vins de Causse Marines, le vignoble qu’elle exploite avec son conjoint.

Virginie Maignien (à gauche) écoute Steve Beauséjour, de RéZin,
faire la présentation de ses vins.

Une femme du Jura

Il se trouve que Madame Maignien a grandi dans le Jura et a été initiée au vin par son grand-papa qui achetait du Bourgogne-passetoutgrain en vrac. Il l’embouteillait lui-même, s’assurant personnellement de la qualité de chaque bouteille, avec l’aide de la jeune Virginie qui apposait les étiquette sur les flacons.

Après un passage par les Musées nationaux de France qui lui fera réaliser son goût pour l’art et le design, elle étudie la viticulture et l’œnologie à Beaune. De là, elle rencontre Patrice lors d’un stage qu’elle fait chez-lui. Elle n’en est jamais repartie.

« J’ai été séduite par son côté créatif, un peu ludique. Il avait aussi beaucoup de poésie, de sensibilité. » Lequel des deux a l’esprit le plus déjanté? « Les deux! » répond-elle en souriant.

Patrice et Virginie à la chasse aux blaireaux?
Nous présumons que la personne à gauche agit à titre de figurant.
Photo Causse Marines

Le vignoble

Causse Marines c’est donc 12 hectares de vignes plantées dans la région vinicole de Gaillac, à environ 75 kilomètres au nord-est de Toulouse. C’est surtout une approche qui décoiffe, particulièrement les responsables de l’appellation, qui semblent avoir un petit (gros?) problème existentiel avec les expériences du couple. Vous voyez, « Causse Marine a une attitude plutôt rebelle, nous dit Virginie. On ne suit pas les codes. »

On peut le concevoir seulement à jeter un coup d’œil sur les étiquettes des seules bouteilles admises dans l’appellation Gaillac, images qui montrent deux yeux qui louchent vers un nez de clown.

Mais cette attitude va bien au-delà de l’imagerie.

« Nous avons été parmi les premiers à produire des vins de France de qualité et des vins oranges, souligne Virginie. »

La philosophie du vignoble a pris un virage radical vers le bio en 2005 et plus poussé, par la suite, en bio-dynamie, une certification acquise en 2012.

Artisans authentiques

Le duo Lescarret-Maignien ne cherche pas à faire fortune avec son domaine. Ce sont de vrais artisans. À preuve, cette quinzaine de cépages autochtones, dont certains que l’on croyait disparus. Des noms peu connus ici comme Braucol, Prunelard, Mauzac, Ondenc et Loin de l’œil. Les fruits sont récoltés à la main et on utilise que des levures indigènes et un minimum de soufre, ce qui ne plait pas aux responsables de l’appellation qui préfèrent continuer à adhérer à des principes « miteux et poussiéreux » pour citer à nouveau le site web du vignoble.

« L’appellation, ça n’a pas une grande importance pour nous dit Virginie. Nous préférons faire ce que nous avons envie de faire, mais avec précision, en se rappelant que la maîtrise est importante dans le lâcher-prise. »

Les gens de Causse Marines ne sont pas seuls. Ils ont fondé une association avec d’autres producteurs bio de la région en 2005, et ensemble ils entendent bien pouvoir ébranler les colonnes du temple de l’appellation.

Ils sont ici…

Merci à Beeki (en-tête) et Nadine Doerle
pour les photos de blaireaux, via Pixabay.

Deux vins de Virginie et Patrice sont en SAQ présentement. Le Peyrouzelles 2017, un rouge qui est principalement un assemblage de Braucol (30 %), Syrah (30 %) et Duras (30 %), et mon coup de coeur de cette dégustation, les Greilles 2017, un très joli blanc fait de Loin de l’œil à 60 %, additionné de Mauzac (20 %) Ondenc (15 %) et Muscadelle (5 %). Le premier se vend à 24,75$, le second à 25,50$.

C’est un lien très solide qui unit le vignoble au Québec, puisque RéZin a été son premier client. Cinquante pour cent des exportations de Causse Marines sont présentement destinées à notre marché.

Le pet de vache?

Comment justifier ce succès? Peut-être parce que le duo produit « un vin nature qui ne sent pas le pet de vache »…

Cette splendide description est aussi empruntée au site de Causse Marines que je vous invite à visiter. Bon, il n’est pas tout à fait à jour, mais divertissement assuré. Virginie se promet de l’actualiser à son retour du Québec, où elle visite présentement sa sœur, en compagnie de son père (cardiologue de profession – « je lui envoie des clients et il me les renvoie… ») et son fils Abel qui travaille déjà dans le vignoble même s’il n’a que neuf ans.

Souhaitons-nous qu’il perpétuera cette jeune tradition d’irréductibles Gaulois et qu’il poursuivra la chasse aux blaireaux.

Note de l’auteur: Pour les courageux qui ont eu l’audace de se rendre jusqu’ici, je vous explique que blaireau, en argot, réfère à un individu conformiste, borné, niais. Bref un douche pour nos amis anglophones ou simplement un tata pour les gens d’ici. Je vous laisse deviner à qui s’adresse l’interdiction que l’on trouve sur les bouteilles de Causse Marines. Je vous rassure tout de suite, étant un lecteur du Polyblogue, vous ne pouvez être considéré comme un blaireau.

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