La bière philosophale

Par Guy Bertrand

J’ai toujours attribué une partie de mon amour pour le vin au fait qu’il était, à mon avis, l’ultime nectar philosophique, en ce sens que ses qualités comme ses défauts peuvent être perçus différemment selon les palais qu’il visite, le système olfactif qu’il attaque ou la robe qu’il offre aux yeux de ses disciples.

Cette même logique s’applique tout à fait à la bière. Malheureusement, tout comme sa mythique et presque homonyme pierre, elle ne peut pas réellement transformer la roche en or, guérir les maladies ou prolonger la vie humaine. Bien qu’en regard de cette troisième pseudo-propriété, je vous ferai remarquer que ma regrettée grande-tante Jeanne s’offrait une petite bière (tablette) à tous les soirs avant de se coucher et qu’elle a vécu en pleine santé jusque dans sa dixième décennie sur cette terre, pour notre plus grand plaisir.

La bière est aussi l’ultime breuvage démocratique pouvant être apprécié tant par les élites que par les plus défavorisés de nos sociétés. Elle soulagera la douleur des uns et adoucira les remords des autres. Qu’elle soit Ale, Lager, Pilsner ou Stout, elle trouvera toujours un nez à séduire, une langue à conquérir, une âme à apaiser. Elle contribuera à délier les langues et libérer les esprits.

Dans l’introduction de son recueil Beer & Philosophy*, le professeur Steven D. Hales nous rappelle notamment que Plutarque lui-même écrivait il y a 2 000 ans que : « le but de boire est de nourrir et solidifier les amitiés ».

Vraiment. Combien de liens se sont tissés dans mon adolescence à siroter la mousse illicite en arrière du Séminaire de Joliette, autour d’un joyeux feu de camp aux abords de la rivière L’Assomption en compagnie de Banane, Pierrot, Luc, Michel, Guylaine, Louise, Army, le Burn, Beau Corps et les autres. C’est toujours avec plaisir que je les retrouve et j’ai toujours la prétention de les appeler mes amis quelques 45 années plus tard.

Bâtir des liens. N’est-ce pas là l’objectif le plus noble que nous puissions atteindre?

À l’aube de cette nouvelle année, je nous souhaite que tous les chefs d’États de la planète – qu’ils soient despotes, élus démocratiquement ou frauduleusement, tyrans ou pantins – que ceux-ci donc se réunissent dans une grande brasserie et qu’ils consomment cette liqueur de houblon jusqu’à atteindre ce nirvana intellectuel qui les conduira à prendre des décisions pour le bien de la planète plutôt que pour de vils lobbys ou consortiums, à abattre les murs plutôt que de les ériger, à unir plutôt que diviser.

Je sais c’est un souhait bien naïf. Mais trouvez-moi un meilleur moment que la dernière journée de l’année pour rêver un peu…

Chers lecteurs, je vous souhaite tous de continuer aussi à bâtir des liens au cours de la prochaine année en ajoutant cette savoureuse phrase du professeur Hales : « Beer drives the human condition, even if the human is in no condition to drive. »

Bref, la modération a bien meilleur goût.

Je bois à votre santé, à votre bonheur et à vos amitiés.
Guy xx

*Beer & Philosophy, Steven D. Hales, Blackwell Publishing, 2007

Au cours de la dernière année, par le biais d’un contrat de communication avec la microbrasserie l’Alchimiste, j’ai commencé à m’intéresser plus sérieusement à cette boisson de malt. Mes lectures et mes rencontres m’ont démontré qu’il y a mille choses à découvrir par rapport à la bière. J’y reviendrai sans doute à l’occasion en 2019.

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