L’horreur au quotidien

Elle est partout et de toutes les époques.

Elle a été connue de tous mais ses plus grandes manifestations sont souvent passées inaperçues. Elle a accompagné les légions romaines dans leurs conquêtes, elle a parsemé de misère le chemin des croisades, elle a d’ailleurs souvent exterminé au nom de dieux de toutes sortes. C’était bien elle que l’on voyait aux côtés de Cortez lors de ses guerres  mexicaines, ou plus tard à bord des navires négriers portugais et français, bien en selle dans l’ombre de Napoléon, exultant dans la folie de Franco et Hitler.

Elle nous parvient maintenant quotidiennement via les chaînes d’information continue ou sur les médias sociaux. Elle se traduit par des fusillades dans les écoles, des attentats à la voiture-piégée, des armes chimiques ou des catastrophes naturelles. Elle est de tous les conflits et de toutes les misères, en Syrie, en Palestine, au Yémen, en Birmanie, au Venezuela. Elle rôde en permanence en Méditerranée et sur la route qui relie le désespoir latin au rêve américain.

Elle est partout, omniprésente, tellement que l’on ne s’en soucie plus. Dix, 30, 100 autres morts. Une statistique, un autre arbre dans la forêt, une autre goutte dans l’océan… Jusqu’à ce qu’elle frappe, ici, tout près.

Elle est plus malicieuse chez-nous, plus insidieuse, mais tout aussi détestable. Je l’ai vue déguisée en fou, armée d’un revolver, mais je l’ai vue aussi se complaire dans l’agonie de ma mère et de combien d’autres, briser le cœur de familles, voler la vie sans raison.

À chaque fois, on se relève. C’est quelquefois plus difficile, mais on se dit que le soleil se pointera toujours le lendemain, que le nouveau jour va apporter sourires et espoirs. On se régénère dans le visage innocent de nos petits, dans le regard amoureux  d’une conjointe et on redevient tranquillement insouciant.

C’est le moment qu’elle choisit pour revenir.

Aujourd’hui, elle porte le nom d’une ancienne gloire sportive. Elle s’appelle maladie de Lou Gehrig, sclérose latérale amyotrophique de son nom scientifique.
Contre toute attente, elle t’atteint toi, nouvelle amie découverte via un vieux copain. Il fallait que tu sois un des deux cas répertoriés sur 100 000 personnes. Une des rares femmes atteintes.

Comment vaincre l’horreur? On ne peut pas l’ignorer mais on peut lui montrer notre indifférence et continuer à vivre. Toi, que je connais à peine, tes beaux grands yeux rieurs me disent que tu ne baisseras pas les bras. Ton chaleureux sourire cache une détermination qui saura se montrer plus forte que l’horreur.

Nous aurons encore de beaux soupers ensemble, tous les quatre, et avec d’autres amis. Nous parlerons encore de nos enfants, de nos rêves, de nos histoires passées et à venir. Nous rirons et nous pleurerons.

Chacun de nos côtés, nous prierons un Dieu dont nous doutons de plus en plus. Nous exécuterons nos tâches quotidiennes, nous nous délecterons de lecture, de musique ou de beaux paysages. Nous vivrons chaque jour un peu plus intensément.

Et chaque jour, nous nous ferons un devoir d’envoyer chier l’horreur de tout notre cœur, qu’elle s’obstine ou non, qu’elle revienne ou pas.

Vous pouvez contribuer à la lutte pour l’éradication d’un bout d’horreur en donnant à la Société de la sclérose latérale amyotrophique du Québec.

8 réflexions sur “L’horreur au quotidien

  1. Bonne chance à ta mère…quoique je devrais peut-être plutôt dire bon courage. Quelle maladie terrible…elle a frappé un de mes chums. Dans les circonstances, je ne sais pas si c’est approprié mais je voudrais aussi te dire merci pour la puissance de ton texte.

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  2. Un très très beau texte … une réflexion difficile mais nécessaire! Nous avons beaucoup de peine pour Luc (Parkinson) et Annie (SAL)…. nous sommes impuissants comme nous l’étions quand notre Marc est décédé en janvier.
    Merci GUY . Et pour toi, plein de santé et de réussite.

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    1. Merci Lucille! C’est effectivement bien lourd, ce sentiment d’impuissance. Je compatis avec votre douleur face à ces cruels coups du destin. Mais rien n’est terminé. Votre amour et votre affection font une grande différence dans la lutte quotidienne d’Annie et Luc. Nous n’avons pas la capacité de les guérir, mais nous avons le pouvoir de les aider, de leur sourire, de leur offrir notre compassion et notre amitié. Ce ne sont pas en apparence de bien grosses armes, mais je sais que plus nous serons nombreux à les utiliser, plus grande sera la différence que nous pourrons faire.
      Bon courage!
      Guy

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