C’est pas un mauvais gars, mais…

Dans quelle direction les Alouettes vont-ils? Si le directeur général Kavis Reed a un plan, il est pour le moins confus. Portrait de la situation.

Par Guy Bertrand

Montréal – Lorsqu’il doutait de la compétence d’une personne, mon ex-patron aimait à dire « ce n’est pas une mauvaise personne, mais… »

En lisant sur le directeur général Kavis Reed, il est étonnant de constater à quel point les gens qui l’entourent semblent l’apprécier. Partout où il est passé, on a chanté l’éloge de  ses belles qualités humaines. Reed est clairement un bon gars. C’est aussi un bon entraîneur de position qui a une riche expérience de la Ligue canadienne… et un maudit bon vendeur.

Il fallait l’être pour obtenir le poste d’entraîneur-chef d’une organisation aussi prestigieuse que les Eskimos d’Edmonton, et encore plus pour décrocher son emploi actuel à Montréal.

La question est de savoir s’il a les compétences pour se retrouver avec de telles responsabilités. À Edmonton, après une bonne première saison, l’équipe est partie en chute libre et il n’a jamais pu redresser la situation.

En trois saisons avec les Eskimos, il a travaillé avec 19 entraîneurs adjoints différents.

Kavis Reed ne pourra jamais être taxé de regarder le train passer. Au contraire, le directeur général des Alouettes peut certainement être considéré comme un hyperactif parmi ses collègues de la Ligue canadienne de football. Être actif, c’est bien. Encore faut-il que les gestes posés apportent un bénéfice à l’équipe.

Examinons d’un peu plus près les divers mouvements de personnel orchestrés par Reed depuis son arrivée en poste comme DG, du côté de l’attaque.

LES QUARTS-ARRIÈRES

En 2016, les Alouettes ont terminé la saison sous les ordres de Jacques Chapdelaine en gagnant quatre de leurs six dernières parties.
Vernon Adams avait conclu la saison comme quart-arrière partant et avait mené l’équipe à la victoire lors des trois dernières parties de la campagne.
Son substitut, Rakeem Cato, avait été le partant pour la première victoire de l’ère Chapdelaine.

Arrive 2017. Les Alouettes font l’acquisition du vétéran Darian Durant dans une transaction en janvier. Trois semaines plus tard, Cato est libéré. Reed lui préfère Jonathan Crompton qui avait raté toute la saison 2016 en raison d’une blessure. Il invoque les qualités de leadership de ce dernier pour justifier sa décision. Crompton sera libéré avant l’ouverture du camp.
L’arrivée de Durant, relègue Adams à un poste de réserviste en début de saison. Il partage ce rôle avec le nouveau-venu Jacory Harris avant d’être échangé aux Roughriders de la Saskatchewan en août, après l’arrivée de Drew Willy.

Durant est donc aux commandes de l’attaque pour les trois seules victoires de 2017. Il est libéré en janvier 2018 après que Kavis Reed eut consenti un contrat à l’ancien quart de la NFL, Josh Freeman qui n’a pas lancé de ballon dans un match depuis 2015. Celui-ci tire sa révérence avant le premier match hors-concours de 2018, laissant l’équipe entre les mains de Willy, Matthew Shiltz, Antonio Pipkin et Garrett Fugate. Depuis, Fugate est disparu, Pipkin est parti et revenu, les deux autres sont plus ou moins blessés et Johnny Manziel est descendu du ciel pour deux parties, avant de se retrouver à son tour sur la liste des éclopés.

RECEVEURS DE PASSES

Ici, ce qui saute aux yeux, c’est l’épouvantable erreur d’avoir échangé S.J. Green aux Argonauts de Toronto contre deux choix de 6e ronde, avant même le camp d’entraînement de 2017. Oui, le vétéran avait subi une sérieuse blessure au genou en 2016, mais ne pas, au moins, prendre la chance de l’évaluer au camp est impardonnable.

Reed avait sans doute pris pour acquis qu’Ernest Jackson allait faire oublier le numéro 19. Faut-il vous rappeler que Green a connu la meilleure saison de sa carrière en 2017?

Encore cette année, l’ancien Alouette a capté plus de passes (8) que le meilleur Oiseau (Tyrell Sutton) et amassé 105 verges de plus que celui qui domine à Montréal, B.J. Cunningham (avant le match contre les Eskimos). Il aurait pu être menacé par Chris Williams mais le rapide receveur sur qui on comptait pour relancer l’attaque est reparti après seulement quatre parties à Montréal, emporté dans la méga-transaction Manziel.

LIGNE OFFENSIVE

En 2016, la ligne offensive composée de Kristian Matte, Philippe Gagnon, Philip Blake, Jeff Perrett et Jacob Ruby avait donné un ronflant total de 64 sacs. Il faut dire que Gagnon et Ruby étaient des recrues.

Le DG décide de changer la formule qui veut que la meilleure combinaison pour respecter le ratio de Canadiens est de placer ceux-ci sur la ligne à l’attaque. Il réussit un gros coup en allant chercher le bloqueur étoile américain Jovan Olafioye dans une transaction qui enverra notamment les droits de négociation sur David Foucault aux Lions de la Colombie-Britannique. Il va aussi chercher un autre bloqueur américain, Brian Simmons, à Hamilton. Résultat : 18 sacs de moins alloués en 2017.

« Logiquement », Kavis Reed laisse donc filer Simmons au cours de l’hiver, et signifie à Olafioye qu’il est libéré à l’arrivée de celui-ci au dernier camp d’entraînement. Il décide de faire confiance à Xavier Fulton, partant pour les cinq derniers matchs de la saison 2017 et Ruben Carter. Les deux ont disparu depuis. Le directeur général avait aussi bon espoir que l’acquisition du garde Ryan Bomben aiderait à stabiliser sa ligne, mais il a envoyé celui-ci à Toronto à la fin juillet, pour obtenir le demi-défensif T.J. Heath.

La ligne offensive a accordé 27 sacs depuis le début de la saison, le pire total de la ligue.

UN BILAN 

Depuis l’entrée en poste de Kavis Reed comme directeur général des Alouettes de Montréal, en décembre 2016, soit en 26 parties de saison régulière :

  • Au total, 20 joueurs différents ont obtenu au moins un départ sur la ligne offensive
  • 13 autres ont capté au moins un ballon en tant que receveur de passes (porteurs de ballon et centres-arrière exclus)
  • Sept quarts-arrières ont été aux commandes de l’attaque

Le tableau qui suit démontre bien que tous ces changements n’ont pas donné les résultats espérés.

Als_stats_attaque_comp

DÉFENSE

À la fin de 2016, la défense des Alouettes était 2e de la LCF au niveau des points accordés. Elle figurait aussi assez avantageusement pour les sacs (4e), les interceptions (5e) et les échappés provoqués (1er).

Au début de la saison 2017, pas moins de cinq partants de cette unité n’étaient plus avec l’équipe, et pas les moindres :

  • Le secondeur Bear Woods, joueur défensif de l’année dans l’Est en 2016. Deuxième de la LCF pour les plaqués (126), il avait aussi récolté cinq sacs, deux interceptions et forcé trois échappés.
  • Le secondeur Winston Venable, auteur de 88 plaqués (5e LCF) et de sept sacs.
  • Le demi-défensif Jovon Johnson (59 plaqués, 6 sacs, trois interceptions, huit passes rabattues).
  • Le plaqueur défensif Alan-Michael Cash (25 plaqués, trois pour des pertes, deux sacs).
  • Le maraudeur Marc-Olivier Brouillette (34 plaqués).

Venable, Cash et Brouillette étaient joueurs autonomes et n’ont pas été retenus, alors que Jovon Johnson a été libéré à la fin du camp, un sort quand même plus enviable que celui de Woods.

L’âme de la défense des Alouettes s’est fait montrer la porte après la première séance d’entraînement du camp dans une décision aussi absurde que la transaction envoyant S.J. Green à Toronto. Le plus drôle est que Reed croyait dur comme fer qu’Anthony Sarao, une verte recrue allait chausser les souliers de Woods. C’est une autre recrue, Dominique Tovell, qui a hérité du poste. Il n’a pas terminé l’année.

En retour de tous ces partants, Kavis Reed n’a rien obtenu. Et vous savez sans doute que Woods a été le meilleur plaqueur des Argos l’année dernière, avec qui, faut-il le rappeler, il a gagné la Coupe Grey. Johnson et Brouillette ont quant à eux terminé la saison avec les Roughriders de la Saskatchewan, la deuxième meilleure défense de la ligue en 2017, en terme de points accordés.

La défense des Alouettes de 2017? Elle a été la pire de la Ligue canadienne pour les points accordés, les verges accordées au sol, les sacs et les interceptions.

En 2017, 28 joueurs différents ont obtenu un poste de partant en défense au cours de la saison, mais seulement quelques uns se sont vraiment signalés.

On peut parler des vétérans John Bowman, Chip Cox, Jonathon Mincy, du nouveau-venu Branden Dozier et surtout du secondeur Kyries Hebert.

Hebert a connu une saison exceptionnelle avec 110 plaqués (3e rang LCF), deux sacs, six passes rabattues et une interception. Il a succédé à Bear Woods comme joueur défensif de l’année dans l’Est… Et il a évidemment suivi le même chemin en étant libéré en février.

Les Alouettes amorcent donc 2018 sans Kyries Hebert, mais avec un nouveau coordonnateur en défense, Rich Stubler (qui remplace à pied levé le précédent nouveau coordonnateur qui a pris sa retraite à 10 jours de l’ouverture du camp !?!), une tertiaire complètement transformée, un nouveau secondeur, Henoc Muamba, et l’arrivée à grands renfort de publicité de l’ailier défensif vedette Jamaal Westerman.

Dix semaines dans la saison, après de nombreuses blessures aux demi-défensifs et le départ de Jamaal Westerman (eh oui, l’échange Manziel encore!), où se situe cette défense?

Als_stats_defense_comp

Encore et toujours dernière pour les points accordés, dernière aussi pour les verges données par la passe, avant-dernière contre l’attaque au sol et pour les sacs, mais deuxième à égalité avec trois autres équipes pour les interceptions et septième pour les échappés provoqués.

DE DÉCEPTION EN DÉCEPTION

Clairement, malgré l’hyperactivité du DG, les résultats ne sont pas au rendez-vous que ce soit en attaque ou en défense. En fait, l’équipe semble s’enfoncer un peu plus chaque semaine dans la médiocrité. On peut bien voir une faible lueur d’espoir dans les récentes performances de Johnny Manziel et Anthony Pipkin, mais malgré toute leur bonne volonté, ils ne peuvent pas attraper les ballons ou stopper l’hémorragie en défense. Et imaginez s’il fallait qu’ils perdent Tyrell Sutton, blessé face aux Eskimos, pour une longue période!

La triste réalité est que cette équipe ne va nulle part… surtout pas en séries.

Kavis Reed est peut-être bien le meilleur gars du monde, mais il semble complètement dépassé par les événements. Décisions douteuses, changements de cap constants, tout cela sent la panique. Et, il ne semble pas apprendre de ses erreurs.

Après avoir congédié Reed comme entraîneur-chef des Eskimos, en 2013, le DG de l’équipe albertaine, Ed Hervey, avait déclaré ceci à propos d’un éventuel successeur: « Je veux trouver quelqu’un qui me ressemble plus. Quelqu’un qui porte un peu plus attention aux détails et qui est un peu plus structuré. »

Je pourrais imaginer Andrew Wetenhall déclarer la même chose le jour où il dira au revoir à son DG.

Une réflexion sur “C’est pas un mauvais gars, mais…

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