Quand Régis vole le show!

Un atelier divertissant du FIJC qui soulève quand même des questions intéressantes

Par Guy Bertrand

Carleton-sur-Mer – Les organisateurs de la première édition du Festival international de journalisme de Carleton-sur-Mer sont des petits ratoureux.

C’est ce que je me suis dit en m’inscrivant à l’atelier du dimanche intitulé Les chroniqueurs vont-ils remplacer les journalistes? Ben voyons, chose, me suis-je dit. Ça prendra toujours des journalistes pour aller chercher les faits et les nouvelles que commenteront les chroniqueurs ultérieurement.

Et, en plus, en haut de l’affiche, je vois le nom de Régis Labeaume. Oui, l’ancien maire de Québec qui n’a rien perdu de sa superbe depuis qu’il a troqué ses habits de politicien pour ceux de semi-retraité/chroniqueur de La Presse.

Avec ce franc parler qu’on lui connait, on pouvait s’attendre à un bon show. Un Osstidcho, devrais-je dire, puisque nous célébrons ces jours-ci les 55 ans du célèbre spectacle des Charlebois, Forestier, Mouffe et Deschamps. Mais je m’écarte.

À toi, Régis!

D’entrée de jeu, on voit que l’ancien maire est en forme. Il rigole, fait rigoler mais il joue franc-jeu : « Je suis une espèce de gérant d’estrade. D’ailleurs, je ne suis pas journaliste, je ne suis même pas un chroniqueur, je suis un collaborateur. »

Partout où il passe, Régis Labeaume ne laisse personne indifférent

Lorsqu’il a reçu l’appel de Stéphanie Grammond, éditorialiste en chef et responsable de la section Débats de La Presse, le récent retraité ne nie pas avoir été interloqué, surtout que sa nouvelle patronne lui demandait de donner son opinion. « Je lui ai demandé, sais-tu vraiment ce que tu fais ? (…) J’ai vraiment beaucoup de plaisir. Pour moi c’est du parascolaire. (…) Pour un gars qui a été 14 ans au pouvoir, c’est du bonbon de pouvoir te permettre de dire ce que tu penses des autres, ce que tu ne pouvais pas trop faire avant. Alors c’est vraiment une belle retraite! 

Le mandat du bon Régis est-il sans limite? Évidemment, non. « Je ne voulais absolument pas parler d’affaires municipales, parce que je savais ce qui allait se passer affirme l’ancien maire qui refuse de jouer les belle-mères. (…) Je pense que la limite c’était le dossier du troisième lien. J’en ai parlé à la patronne et évidemment on a statué que c’était un dossier de stature nationale… et ça me faisait plaisir d’en parler aussi, ajoute-t-il, sourire en coin. (…) J’ai peut-être un petit avantage parce que c’est des gens avec qui j’ai travaillé y pas longtemps à Ottawa et à Québec. Je les ai vu d’une façon différente… et eux-aussi d’ailleurs. J’espère qu’ils ne deviendront pas chroniqueurs! »

C’est que, voyez-vous, le maire Labeaume sait ce que c’est que d’être critiqué par un chroniqueur. Et ça peut faire très mal! Il se rappelle particulièrement d’un texte du regretté Jean-Jacques Samson : « Le titre c’était La grande gueule, se souvient-il. C’était dans ma période grosse tête, parce qu’à sa deuxième année, un politicien, il est sûr qu’il est ben intelligent parce qu’il a vu sa face dans le journal et à la télévision. Il est sûr qu’il est formidable! (…) (Après avoir lu la chronique), j’étais à ramasser à la petite cuillère. Ça avait fait mal, mais il avait raison. Je peux te dire que je vais m’en souvenir longtemps et que ça m’a raplombé les idées.»

Collaborateurs vs chroniqueurs

Pour en revenir aux chroniqueurs, il est faux d’avancer qu’ils se contentent de commenter les nouvelles débusquées par les autres journalistes. Les autres panélistes, Mylène Moisan (Le Soleil) et Isabelle Hachey (La Presse) sont toutes deux issues du journalisme et sont tout à fait en mesure d’aller chercher l’info sur le terrain. 

Isabelle Hachey et Mylène Moisan en conversation, avant l’atelier

Leur travail n’a rien à voir avec celui de Régis Labeaume. Mais ça ne signifie pas qu’elles n’ont pas un impact réel sur la société. « Tous les journalistes, je pense, aiment que ce qu’on écrit ait un impact, souligne Isabelle Hachey. Dans la dernière année, lors d’un débat des chefs, François Legault avait déclaré avoir parlé à Carol Dubé, le conjoint de Joyce Echaquan. Il avait dit que tout était réglé à Joliette, et qu’il n’y avait plus de problème à l’Hôpital de Joliette. J’aurais pu écrire le lendemain en donnant seulement mon opinion et en disant que ce que le premier ministre avait dit n’avait pas d’allure. Mais je me suis dit, je vais appeler Carol Dubé. Je lui ai donc parlé via Zoom, et il pleurait, il était émotif, il disait que ce n’était pas vrai et exigeait des excuses. Et donc, quelques heures après la publication de la chronique, François Legault s’est excusé. » 

L’impact des chroniqueurs vient aussi avec une grande responsabilité, pense Mylène Moisan. « Des fois, je vais être critique avec le ministre Lionel Carmant mais quand on s’attaque, entre guillemets, à un homme politique parce qu’on trouve qu’il agit peu ou agit mal, c’est une responsabilité parce qu’on sait que c’est un être humain, on sait qu’il a un portefeuille, qu’il a des contraintes. Mais, en même temps, je pense que c’est notre responsabilité de faire un rappel à l’ordre. » 

 Trop d’opinions?

Alors, chroniqueurs, éditorialistes, collaborateurs… Y a-t-il trop d’opinion dans les médias?

« On se demande tout le temps s’il y a trop de chroniqueurs, répond la journaliste du Soleil. Il y a un public pour monsieur Labeaume, il y a un public pour Isabelle, il y a un public pour moi, il y a un public pour Martineau (Richard, du Journal de Montréal), bref, il y a un public pour tout le monde. »

Isabelle Hachey s’est attardé à la question en faisant un exercice: « J’ai pris la grosse presse du samedi, donc hier, et on avait dix chroniqueurs sur 136 écrans. Alors, ce n’est pas vrai qu’on fait juste de la chronique, au contraire. Le défi, à La Presse et dans les autres médias, c’est la diversité d’opinions. (…) L’année dernière, Martin Koskinen, le chef de cabinet de François Legault avait tweeté qu’à La Presse, les chroniqueurs étaient interchangeables. (…) Je pense que c’est faux. Je ne crois pas être interchangeable avec Patrick Lagacé, je ne pense pas que Rima Elkouri serait d’accord pour dire que nous sommes interchangeables, mais c’est vrai que le défi est dans la diversité. Si tous les chroniqueurs vont du même côté, là ça peut devenir problématique. » 

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