Les paris de PKP

Au poker, quand un joueur décide de tout miser, il doit en assumer les conséquences.

AVERTISSEMENT

Avant que vous entrepreniez la lecture de ce qui suit, établissons d’abord quelques trucs :

  • J’ai passé 23 ans au Réseau des Sports que j’ai choisi de quitter le printemps dernier « pour relever de nouveaux défis » comme le veut l’expression consacrée.
  • Je suis donc un ancien employé de Bell Média avec qui je n’ai plus de lien, sinon le rabais consenti aux employés anciens et actuels pour s’abonner aux différents services de l’entreprise.
  • Alors, oui, il se peut que mon jupon dépasse un peu. Je ne m’en cache pas. Cela dit, le texte qui suit n’engage que moi et ma mauvaise humeur en regard de ce que je constate, entends et lis depuis quelques jours.
Par Guy Bertrand

« …du côté des demanderesses (Bell), tout semble aligné. On a débrouillé Sportsnet, on a suggéré d’autres moyens de regarder les matchs (éliminatoires de la Ligue nationale de hockey). Ce n’est pas exactement la même chose, on l’avoue. Ce n’est pas dans la même langue, c’est vrai, mais le niveau de ce préjudice… c’est quoi le niveau de ce préjudice, honnêtement ? »

Me Neil Peden, avocat de Québecor, lors de son plaidoyer devant le juge Claude Champagne, vendredi dernier, pour tenter de faire avorter la demande d’injonction de Bell.
Tel que rapporté par la Presse Canadienne.

Un peu d’histoire…

En septembre 2011, Québecor a décidé de tenter l’aventure de la télévision sportive en lançant la chaîne TVA Sports. À l’époque, le PDG de TVA, Pierre Dion, disait à qui voulait l’entendre qu’on allait révolutionner la télé sportive et qu’on allait appliquer la recette si chère à la maison-mère – « proximité et émotion » – pour faire un grand succès du nouveau bébé.

Dans un premier temps, la révolution du nouveau-venu ne s’est pas matérialisée à l’écran mais plutôt dans les poches des producteurs, réalisateurs, animateurs, analystes et journalistes de RDS qui se sont fait offrir un pont d’or pour se joindre à l’empire. Certains ont accepté, d’autres ont décliné, tous ont profité. Ça n’a évidemment pas plu aux patrons de RDS, mais bon, c’est la loi du marché. Il fallait des gens pour faire rouler le nouveau joujou de Pierre Karl Péladeau.

La deuxième révolution a profité aux coffres de la Ligue nationale de hockey et de ses équipes, particulièrement au Canadien de Montréal. En 2013, la spectaculaire offre de 5,2 milliards de dollars sur 12 ans de Rogers et Québécor leur assurait la diffusion des matchs nationaux (principalement le samedi pour le cas du CH à TVA Sports) et l’exclusivité des rencontres de séries éliminatoires. Le jeune réseau québécois espérait en profiter pour mettre la main sur les droits régionaux du Canadien… ce qui n’est pas arrivé.

Poussé dans les câbles, RDS a dû ouvrir les coffres à son tour et sortir le double de sa facture précédente seulement pour le droit de diffuser 60 rencontres du Tricolore en saison régulière.

Résultat? Six ans plus tard, RDS fait toujours des profits (bien que moindres) et TVA Sports accumule toujours les lourds déficits (plus de 132 M$ entre 2013 et 2017, selon les derniers chiffres disponibles).

Les paris

Pourquoi? Parce que plusieurs paris risqués de l’empire de Pierre Karl Péladeau ont mal tourné.

Pari #1 : Le Canadien étant ce qu’on appelle dans le milieu un « loss leader », il était clair qu’en ne raflant pas tous les droits, TVA s’exposait à des pertes. Sa facture bien qu’un peu moins salée que celle de RDS, ne lui garanti qu’une vingtaine de matchs de l’équipe en saison régulière. C’est bien peu pour espérer rentabiliser un tel investissement.

Pari #2 : TVA Sports espérait évidemment que le Canadien fasse les séries à chaque saison et, pourquoi pas, qu’il aille chercher un ou deux championnats en cours de route. Les attentes n’étaient pas déraisonnables. Le CH avait participé au tournoi printanier dans sept des 10 saisons précédentes et comptait alors sur un excitant noyau de jeunes joueurs. Pacioretty, Subban, Price, Gallagher et Galchenyuk avaient tous moins de 25 ans et le duo Marc Bergevin / Michel Therrien semblait avoir les destinées du club solidement en mains. Or, tout ça ne s’est pas matérialisé. La première saison (2014-2015) du contrat a été correcte avec une élimination en deuxième ronde aux mains du Lightning. Mais depuis le Tricolore n’a livré que six matchs de séries aux trésoriers de Québecor, en quatre saisons.

Pari #3 : Le retour des Nordiques. Sérieusement, est-ce quelqu’un y croit encore? Seattle vient de devenir la 32e équipe du circuit Bettman pour la modique somme de 650 millions de dollars US. Au taux de change d’aujourd’hui, on dépasse les 850 millions canadiens. Et ça, c’est pour le droit de pouvoir dire qu’on a une équipe. Il n’y a pas encore de joueurs, pas d’administrateurs, pas d’employés, pas de club-école. En supposant que certains propriétaires de la ligue passent par-dessus leurs craintes pour le marché de Québec, peut-on vraiment rentabiliser un tel investissement? Et en admettant que Québécor obtienne la franchise, à qui vont-ils vendre les droits de télédiffusion? À eux-mêmes? À Bell? Est-ce qu’il reste de l’argent dans les coffres??

Pari #4 : Surpayer pour obtenir les droits de diffusion d’une propriété. Ça, l’empire l’a fait souvent. Combien de fois ai-je entendu mes anciens patrons revenir d’une négociation en se demandant comment TVA Sports espérait rentabiliser une acquisition qu’elle venait de réaliser. L’exemple le plus flagrant est évidemment le contrat de la LNH, mais l’ajout des matchs de l’Impact s’est aussi fait à fort prix. Soit, le pari n’est pas encore perdu. Mais historiquement, le soccer du onze montréalais n’attire pas beaucoup de téléspectateurs, sauf à de rares occasions où des vedettes font la manchette (visites de Beckham, Henry ou quelques matchs de Drogba). En 2018, la moyenne d’écoute était à 114 000 personnes par match. Depuis le début de l’année, on est à 115 000 de moyenne. Des chiffres bien ordinaires…

Voilà, en gros, pourquoi PKP crie haut et fort aujourd’hui. Il a parié et il a perdu. Malgré ses lamentations, il n’a que lui à blâmer.

La recette de RDS

La réalité c’est qu’à travers vents et marées, RDS a continué à offrir une meilleure programmation, bien diversifiée, et a constamment travaillé à développer un service d’information solide et crédible. Tout ça se traduit par une fidélité de l’auditoire qui ne se dément pas et par des parts de marché qui sont encore bien supérieures à celles de TVA Sports. Pour la dernière année complète (2018), dans la tranche d’âge la plus large (2+), on parle de 67 % de l’écoute de la télévision sportive québécoise qui va au Réseau des Sports! Bien sûr, au cours des prochaines semaines (c’est déjà commencé) l’empire va vous enterrer sous les communiqués assurant sa domination de l’auditoire. C’est normal. Nous sommes en séries et au Québec le hockey est encore le sport numéro 1. L’inconvénient, c’est que les séries ne durent que deux mois. Il en reste 10 dans l’année, si je compte bien.

Comment RDS va-t-il chercher les deux tiers de l’auditoire sur une année? C’est notamment en offrant à ses abonnés un plus grand nombre d’événements sportifs prestigieux. Juste ce week-end, on y a vu Tiger Woods réécrire l’histoire au Tournoi des Maîtres. Si la ronde finale est garante de l’avenir, c’est tout un show qui nous attend lors des trois prochains tournois majeurs.

J’ai aussi bien hâte d’écouter Hélène Pelletier et Yvan Ponton nous décrire les exploits de Bianca Andreescu et Félix Auger-Aliassime à Roland Garros et dans les autres tournois du grand chelem.

C’est aussi au Réseau des Sports que vous pourrez suivre la Formule un, dont le Grand Prix du Canada, les Séries mondiales de baseball, les Alouettes et la Coupe Grey, la NFL et le Super Bowl, le Tour de France, les Jeux Olympiques de 2020, la Coupe du monde de 2022, sans oublier les grands championnats mondiaux de hockey.

C’est à RDS que vous avez-vu se développer des émissions de programmation de grande qualité qui ont nécessité de lourds investissements comme les 25 ans d’émotion, Table d’hôte et autres Panorama.

C’est à RDS qu’on a pu créer, notamment grâce à l’arrivée de RDS Info, de nouveaux concepts comme le 5 à 7.

Et c’est à RDS, où l’on continue de mettre de l’argent dans une information de qualité grâce à une salle de nouvelles qui a gardé tout son dynamisme et son sérieux à la veille de célébrer ses 30 ans.

Alors, oui, c’est normal que RDS obtienne plus de redevances que TVA Sports. Plus de propriétés diversifiées de grande qualité = plus d’auditoire. C’est aussi simple que ça.

Ça n’enlève rien aux artisans de TVA Sports qui font tous les efforts pour maintenir le réseau à flots, j‘en suis convaincu.

La différence c’est que lorsque les dirigeants de RDS ont parié, Gerry Frappier en tête, ils ont misé sur les bons numéros.

Grossier et malhonnête

Je ne suis donc pas surpris que le juge ait accordé l’injonction pour permettre aux clients de Bell de retrouver le signal de TVA Sports et je m’en réjouis pour les artisans de la chaîne qui bénéficient ainsi d’un plus vaste public.

Tout de même, qu’un individu qui se trouve à être le principal architecte de ses malheurs pose un geste illégal en plus de priver ses abonnées d’un service et ses annonceurs de visibilité, tout ça pour obtenir des redevances qu’il ne mérite pas… Je trouve ça un peu grossier.

Mais ça ne m’étonne pas du personnage. C’est le même gars qui, en 2009, s’était adressé au CRTC afin de faire briser le contrat d’exclusivité parfaitement légal qui liait le CH à RDS. Le même gars qui laisse son département de marketing répandre des faussetés pour se donner le beau rôle:

« Abonnés de Bell : Bell a décidé de vous pénaliser. Le signal de TVA Sports sera suspendu dans les prochains jours. »

Alors que lui-même avait déjà la main sur la plogue, prêt à tirer.

Le français? Pfff…

Oh, et vous vous souvenez de la citation de Me Pender au début de ce texte?

Je vous la remets ici : « …du côté des demanderesses (Bell), tout semble aligné. On a débrouillé Sportsnet, on a suggéré d’autres moyens de regarder les matchs (éliminatoires de la Ligue nationale de hockey). Ce n’est pas exactement la même chose, on l’avoue. Ce n’est pas dans la même langue, c’est vrai, mais le niveau de ce préjudice… c’est quoi le niveau de ce préjudice, honnêtement ? »

Quand même pas mal pour un avocat qui représente un ancien chef du Parti Québécois… Je me demande comment se sentent les abonnés de TVA Sports quand ils lisent de telles choses.

La suite mercredi devant le CRTC.


8 réflexions sur “Les paris de PKP

  1. Merci, Guy, de projeter de la lumière sur cette situation. Pas évident d’avoir une vue d’ensemble quand on se fie seulement sur ce que les médias daignent nous offrir. Comme d’habitude, il y a le théatre devant les rideaux alors que la vérité critique se vit derrière ces mêmes rideaux.

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  2. Merci d’éclairer tout le monde j’ai partagé votre texte car j’entends parler le monde et avec ce qu’ils entendent ils croient que c’est Bell qui est dans le tort alors je vous dit MERCI 🙏 d’avoir pris le temps d’écrire ce texte et moi je suis de tout cœur avec RDS mon frère y a travailler et c’est vraiment de bonnes personnes

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  3. Bon moi je suis pas daccord avec ses commentaires c’est vrai que videotron a vendu le signal a bell mais il aurais jamais du le vendre maintenant il est obliger de le donner mais le contrat va se terminer alors je je couperais maintenant parlons de rds nous faire voir la même parties 15 fois de file des sports que personnes ne regarde et on pourrais penser que le CH a fais expre pour pas faire les séries pour pas que sont concurrent faisse de l’argent sur leur dos Oubliez pas que ils ont sauvés 15 million en étant sous le cap salarial (c’est presque aussi bon que faire les séries,Aie 4 ans sans faire les series et il a rien en bas on a dit ce soir 7 ans que le club école fais pas les series décidément on cultive la médiocrité je ne suis pas sur qu’on a toute la vérité dans ce dossier décidément c’est un gros manque de respect de s’adresser en anglais a la cour dans ce dossier je reconnais Bell

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