La vie avec un grand V…

Après un terrible accident de vélo, la journaliste Isabelle Richer a eu le courage de remonter en selle. Bien téméraire sera celui qui tentera de l’en faire descendre…

Par Guy Bertrand

« Pour moi, je suis morte! Le 27 juin 2015, je suis morte. »

Ces terrifiantes paroles sortent de la bouche de la journaliste Isabelle Richer, victime d’un épouvantable accident alors qu’elle roulait à vélo avec un copain sur une route de Rougemont.

Traumatisme crânien, fractures cervicales, le choc a été terrible. Un choc dont elle ne garde aucun souvenir. « Des gens m’ont suggéré des séances d’hypnose. Heille, j’veux-tu pas m’en souvenir de cet accident-là! »

La femme qui est assise à mes côtés, par une belle fin de journée ensoleillée dans le Vieux-Port de Montréal, irradie le bonheur. Elle vient de terminer la rénovation de son condo, elle a des projets plein la tête, et elle est à préparer la prochaine saison de télé. Rien ne laisse soupçonner qu’elle a vu la Grande Faucheuse d’aussi près, si ce n’est une raideur au cou et un coude qui ne dépliera plus jamais complètement.

On peut penser que le vélo serait la dernière activité qu’aurait pensé à pratiquer la victime d’une pareille aventure. Mais voilà, pour Isabelle, le cyclisme c’est plus qu’un sport:

« Ça représente tout. Ça représente ce qui a failli me tuer mais ça représente aussi ce qui m’a sauvée. »

UNE PREMIÈRE BRISURE

Déjà sportive, l’Outremontaise pratiquait le karaté avec passion à une autre époque. Des blessures aux hanches et au dos l’ont toutefois forcée à abandonner la discipline qu’elle aimait tant. « C’est comme si on m’arrachait le cœur, se souvient-elle. J’ai cherché un remplacement, je n’en trouvais pas. J’ai commencé à m’entraîner en gymnase, je faisais de la bicyclette stationnaire comme une déchaînée, je m’emmerdais, mais c’était bon pour la forme! »

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Photo: Isabelle Richer

Un groupe d’amis la convainc finalement d’aller rouler sur la route avec eux. C’est le coup de foudre!  « Je suis retombée en amour avec un sport. Autant j’étais en amour avec le karaté, c’est le vélo qui l’a remplacé. C’est une passion qui a commencé en 2000 et qui n’est pas prête de se finir. »

Il était donc primordial pour elle de pouvoir remonter sur sa bécane qui, curieusement, n’a subi aucune égratignure lors de l’accident. Primordial mais terrifiant, en même temps. « J’avais fait de l’exercice (…) j’avais fait du ski de fond tout l’hiver, alors je savais que j’allais être capable physiquement, mais je ne savais pas comment j’allais me comporter dans ma tête. »

LE RETOUR EN SELLE

Le 16 avril 2016, dix mois après avoir frôlé la mort, la revoilà sur son vélo. « C’est une journée que je redoutais mais que j’espérais. (…) Je ne savais pas quel effet ça me ferait de recommencer à rouler à vélo. Alors, j’étais avec une seule personne et je lui ai dit: »

« Suis-moi, sois indulgent avec moi. Je ne sais pas comment je vais réagir. Si je me mets à trembler de tous mes membres, si j’ai peur, si je pleure, si je ne veux plus rouler, on vire de bord. »

« Après le premier kilomètre, j’étais euphorique! (…)  Ça s’est bien passé. Ce n’était pas facile, j’étais encore très souffrante, j’avais mal dans le cou. (…) Mais j’étais contente de retrouver mon vélo et je n’avais pas plus peur qu’avant. »

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Photo: Isabelle Richer

RÉÉCRIRE L’HISTOIRE

La première sortie passée, elle s’attaque à des parcours plus exigeants. L’été suivant, elle se tape un petit Montréal-Boston avec Vélo-Québec, via les montagnes vertes du Vermont. Un parcours assez accidenté, et des journées où on va dépasser les 140 kilomètres. Autre défi relevé! Il faut maintenant aller vers du plus sérieux… Et accepter, en passant, que tout n’est plus comme avant.

« Cette année, j’ai décidé de réécrire l’histoire. J’ai décidé de refaire le voyage en Arizona que j’avais fait en 2015, à peu près un mois et demi avant de mourir. (…) Je me suis mise au défi parce que ce n’est pas facile, ce n’est pas un voyage pour les débutants. Je me suis d’ailleurs aperçue que je ne suis plus une débutante mais que je ne suis plus, non plus, la cycliste que j’étais et je ne le serai plus jamais. »

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Photo: Isabelle Richer

L’animatrice constate que les années qui passent et surtout le fait de ne pas avoir roulé pendant une très longue période ont un prix. Mais cela ne refroidit en rien son enthousiasme. Elle prend ensuite le chemin de l’Europe, où elle va découvrir les routes étroites de la Costa Brava, les jolies pentes bien abruptes des Pyrénées, mais surtout une agréable surprise. « Ça fait 100 ans qu’on roule à vélo en Espagne! (…) Les automobilistes ont une culture et un respect du vélo assez impressionnants. Alors, je n’ai jamais eu peur! »

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Photo: Isabelle Richer

ROULER AU QUÉBEC

Le contraste avec les routes québécoises est frappant. « Les cyclistes au Québec sont habitués à rouler avec cette peur parce qu’il existe cette hostilité des deux côtés, tant chez les automobilistes que les cyclistes, constate Isabelle. C’est assez tragique. (…) Qu’ils (les automobilistes) nous soient hostiles, c’est une chose, mais qu’ils aient des comportements risqués ou dangereux, ça c’est autre chose. »

« J’ai toujours peur de tomber sur quelqu’un qui va profiter du fait qu’il n’y a pas de radar, de policiers ou de témoins pour me jeter dans le champ et me tuer pour vrai, cette fois-là. »

L’amoureuse du cyclisme reconnaît cependant qu’il y a des comportements à changer des deux côtés et une éducation à faire pour tous. « J’aimerais tellement avoir LA solution avec un S majuscule! Je ne vois pas autre chose que continuer à exister, à prendre notre place. Il faut continuer à enseigner les comportements respectueux des deux côtés. Les cyclistes doivent apprendre ça aussi, à ne pas prendre toute la place comme si c’était le règne absolu du vélo. On n’est pas à Amsterdam ou Pékin. Ce ne sera jamais aussi populaire que dans certains pays où il y a une tradition cycliste. (…) Je crois que ce n’est que par l’éducation qu’on pourra y arriver. »

C’est une vérité de La Palice d’exprimer que l’accident de juin 2015 a chamboulé la vie d’Isabelle Richer. On sent en elle une rage de vivre peu commune, une énergie débordante, malgré les douleurs qui demeureront d’éternelles voisines et quelques petites peurs qui prendront plus de temps à s’effacer. « Tout a changé. Toute ma façon d’envisager la vie. Alors si là-dedans il y avait des peurs qui s’étaient greffées, peut-être qu’elles se sont évanouies. La peur que je n’ai pas encore vaincue, c’est celle de rouler en ville, et étonnamment ce n’est pas en ville que mon accident est arrivé. Je sais que ça agace les cyclistes citadins que je dise ça, mais ça, c’est mon problème à moi de craindre de rouler en ville. Alors je vais m’y attaquer. »

Comment ne pas la croire? Existe-t-il vraiment un obstacle que ne peut surmonter une personne aussi déterminée? En attendant, l’excellente journaliste retournera à l’animation de son émission quotidienne à RDI lundi (27 août), avant de retrouver sa grande copine Marie-Maude Denis à la barre d’Enquêtes, le 20 septembre.

Pour en savoir plus sur Isabelle et le vélo, consultez Sur ma piste.

2 réflexions sur “La vie avec un grand V…

  1. Le cyclisme est un beau sport. Au Quebec, trop de cyclistes pensent a pratiquer ce sport en faisant leur social et jaser avec son copain(e). Nos routes ne sont pas faites pour etre partage a 2 et meme 3 de large.
    Loesque la route est a voies simples et que 2 vehicules se rencontrent, le cycliste doit en prendre consience et se proteger. La route se partage a condition que tous y mettions du sien.
    Bravo Isabelle et bonne route dans tes futures sorties

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