Mauvaise foi, en Family Pack!

Où quand nos compatriotes anglo-québécois se déchaînent à propos de… ben rien, finalement.

Par Guy Bertrand

Combien de fois ai-je poussé un soupir de découragement ou un cri de désespoir en lisant The Gazette lorsqu’elle écrit sur :

  • Le fait français
  • La loi 101
  • La souveraineté
  • Le PQ
  • Etc.

Je ne les compte plus, mais il doit y en avoir au moins autant que le nombre d’anglophones dans le West-Island.

C’est beaucoup.

Et là, après toutes ces années à digérer tant bien que mal ces âneries, il faut que ce soit un gars de sports qui déclence mon ire. Pas que les gars de sports anglos soient particulièrement exaspérants, bien que quelques uns ont certainement eu leurs moments d’égarement.

Mais, cette fois, c’est de la cr… de BAD FAITH!

Déjà, quelques heures après que le Canadien de Montréal eut annoncé que l’entraîneur-chef Claude Julien avait été transporté d’urgence à l’hôpital, je m’étonnais de lire plusieurs commentaires de twitteux anglos s’offusquant que Marc Bergevin s’excuse du fait que Kirk Muller soit unilingue anglais…

Quoi? Est-ce qu’un de mes ex-collègues francos se serait vraiment inquiété de la déficience de Capitaine Kirk à discourir dans la langue de Molière alors qu’il était appelé à prendre la relève du coach?

Je n’ai pas tergiversé longtemps. Convaincu de la capacité de raisonnement des journalistes en poste, je me suis dit que la Covid-19 avait sans doute attaqué les neurones de ces pauvres types (les twitteux anglos).

Or, en parcourant The Gazette de ce samedi, quelle ne fut pas ma surprise de voir ce titre en première page de la section des sports :

MULLER DOESN’T SPEAK FRENCH AND NOBODY CARES RIGHT NOW

Hum, me dis-je, allons voir de quoi il s’agit…

N’ayant pas vu le point de presse du directeur général Marc Bergevin, jeudi, j’étais curieux de savoir comment ça s’était passé.

Vous ne l’avez pas vu non plus? Attachez vos ceintures, ce n’est pas joli. (Notez que je me fie ici aux propos tels que rapportés par l’éminent chroniqueur Stu Cowan.)

Alors il appert que Bergevin aurait dit ceci, de toute évidence en s’adressant aux partisans (je traduis de l’article) : « Nous comprenons que Kirk ne parle pas français mais nous nous trouvons devant une situation exceptionnelle et nous espérons que vous comprendrez. »  

Oui, rien que ça.

Et le chroniqueur de monter sur son cheval de bataille tel Arthur Wellesley, 1er duc de Wellington et général de la force multinationale qui vaincu Napoléon à Waterloo.

Je le traduis :

« Le timing de cette excuse avait l’air bizarre et était déplacé au moment où Julien s’apprêtait à subir une opération (…) Il faut croire que les mots prononcés par Bergevin venaient d’une commande du propriétaire et président Geoff Molson ou du vice-président affaires publiques et communications du Groupe CH, Paul Wilson. (…) Que le Canadien sente le besoin de s’excuser pour le fait que Muller ne parle pas français n’était pas nécessaire. De plus, c’était déplacé. (…) Si Muller peut réaliser le miracle de mener les Canadiens à leur élusif 25e titre de la coupe Stanley en l’absence de Julien, est-ce que les fans vont vraiment s’inquiéter qu’il ne parle pas français? »

(Soupir)

Bon, pour commencer, et malheureusement c’est la base de la chronique de monsieur Cowan, Marc Bergevin ne s’est jamais excusé. Il a tout simplement expliqué la décision de l’organisation et demandé la compréhension de tous.

D’ailleurs, avez-vous vu une seule voix s’élever contre le fait que l’entraîneur par intérim soit anglophone? C’est ce que je croyais.

Bergevin devait-il s’expliquer?

Réfléchissons…

Le Canadien est un club qui a été créé pour les francophones il y a plus de cent ans. Il évolue dans une province de 8,5 millions de personnes dont près de 80 % ont comme première langue le français qui se trouve d’ailleurs à être la seule langue officielle du territoire.

D’ailleurs, le journaliste de The Gazette répète deux fois plutôt qu’une qu’il comprend l’importance pour le club d’avoir un entraîneur-chef bilingue. S’il comprend pourquoi s’acharne-t-il sur ce détail anodin? Pourquoi même écrire l’article??

De plus, monsieur Cowan souligne lui-même que le remplacement de Jacques Martin par Randy Cunneyworth avait causé une petite révolution en décembre 2011. Vous vous souvenez? Même le gouvernement Charest, par la voix de sa ministre de la Culture, avait cru bon de dénoncer la venue d’un unilingue anglophone derrière le banc du CH!

Pourquoi pensez-vous que les Alouettes sont allés chercher Danny Maciocia pour redresser la barque? Comment se fait-il que Thierry Henry se retrouve à la barre de l’impact?

Alors, oui, il est normal et même nécessaire que le dg du Canadien apporte cette précision lorsqu’il confie à un unilingue anglophone l’équipe professionnelle numéro un au Québec, même sur une base intérimaire. Et si par malheur Claude Julien ne pouvait pas reprendre son poste, il faudra lui trouver un remplaçant qui parle français.

Parce que, comme le disait Serge Savard à Philippe Cantin en pleine tempête Cunneyworth : « l’équipe appartient au peuple! »

En plus, le Canadien est pratiquement la seule et unique porte d’entrée pour un entraîneur québécois d’origine francophone dans la Ligue nationale de hockey.

Au fil des ans, les seules équipes canadiennes qui ont osé donner la chance à un entraîneur-chef québécois francophone de faire ses premiers pas dans la LNH sont le Tricolore et les défunts Nordiques de Québec.   

Résultat? Depuis 1979 (année de l’entrée des Nordiques dans la ligue), nous avons vu Jacques Demers, Michel Bergeron, Jacques Lemaire, Jean Perron, Ron Lapointe, Pat Burns, Mario Tremblay, Alain Vigneault, Michel Therrien, et Guy Carbonneau faire leur entrée dans le club très sélect des NHL head coaches.  

Les carrières de ces hommes ont résulté en huit participations à la finale de la coupe Stanley, quatre championnats et neuf trophées Jack Adams. Six de ces entraîneurs (sur 10!) figurent dans le top 50 de tous les temps pour les victoires.

Bien sûr, la plupart de ces pilotes ont trainé leurs valises à travers la ligue après leur passage à Montréal et Québec. Mais s’ils n’avaient pas eu leur première chance chez nous, combien se seraient trouvé du travail ailleurs? Si vous répondez aucun, vous avez probablement raison.

Si on traverse la frontière, on compte cinq équipes, toujours depuis 1979-80, qui ont servi de porte d’entrée dans la grande ligue pour des entraîneurs québécois francophones, soit les défunts North Stars du Minnesota (Pierre Pagé), les Penguins de Pittsburgh (Pierre Creamer), les Blackhawks de Chicago (Denis Savard), l’Avalanche du Colorado (Patrick Roy) et le Lightning de Tampa Bay (Guy Boucher). Dans deux de ces cas (Savard et Roy), on parle d’un attachement très fort entre l’organisation et l’ancien joueur et pour deux autres (Creamer et Boucher), c’est leur tenue derrière le banc de la filiale du Tricolore dans la Ligue américaine qui a fait pencher la balance en leur faveur.   

Résumons. Depuis 1979, 15 entraîneurs-chefs québécois ont accédé à la LNH. Une douzaine d’entre eux doivent un gros merci au Canadien et aux Nordiques.

Bref, si aujourd’hui ça ne passe pas par Montréal, il y a beaucoup de talentueux gens d’ici qui n’auront jamais la chance de se faire valoir au plus haut niveau. Une chance, Geoff Molson et sa bande l’ont compris et ils ont développé une saine sensibilité par rapport à la question.

Mais voilà, est-ce que l’équipe s’attache les mains inutilement en limitant le champ de recherche de ses candidats? Je vous renvoie aux succès remportés par les Burns, Lemaire, Bergeron, Therrien, Demers et Vigneault auxquels il faut ajouter les franco-ontariens Jacques Martin, Bob Hartley et, évidemment, Claude Julien. Ces noms sont la preuve qu’il y a bien suffisamment de talent pour dénicher un bon candidat francophone.

Heureusement, la question ne se posera pas. L’éventuelle miraculeuse conquête du 25e championnat par Kirk Muller est un joli rêve, mais il ne se concrétisera pas. En attendant, espérons que monsieur Julien récupèrera complètement et qu’il retrouvera sa troupe rapidement.

Quant à monsieur Cowan, on ne peut que lui proposer de quitter sa bulle et d’aller faire un brin de jasette avec ses collègues francophones. Il pourrait apprendre une chose ou deux.

Parce qu’à lire des chroniques comme celle-là, même le fondateur du journal doit se retourner dans sa tombe…

Ah, vous ne saviez pas? Ben oui, le fondateur de The Gazette est Fleury Mesplet, un Français.

C’est drôle quand même la vie…

5 réflexions sur “Mauvaise foi, en Family Pack!

  1. J’étais abonné au Polyblogue et « beats me «  il semble que je ne sois plus ?!? Luce le reçoit Elle… sexisme ???
    Anyway je re-transmet mes infos en espérant avoir le plaisir de suive à nouveau le Polybligue 😊…. (datané correcteur, je voulais dur Polyblique, merde 💩 POLYBLOGUE, enfin, ouf !

    Aimé par 1 personne

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